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Saara se réveillait à l’idée qu’elle n’était plus chez elle, ce matin-là. Il n’y avait plus les odeurs de pancakes matinales, ni le jus de fruit pressé quotidien que sa gouvernante lui préparait, mais tout ça n’était rien en comparaison à ce qu’elle réalisait. Elle était à Full Horse, ses parents lui avaient donné l’opportunité de vivre sa passion et de vivre toutes ces aventures qui promettaient d’être riche en émotions. La jeune femme, retrouvant le sourire, sortit de son lit, se dirigeait le plus vite possible vers la fenêtre de sa chambre pour y voir l’extérieur.

« Whaou… »

Saara posait sa main sur la vitre, les yeux émerveillés et brillant d’excitation quant à commencer cette nouvelle journée. Sa paume sur la vitre froide n’avait eu aucun effet sur elle, tant elle était fascinée par le paysage hivernal baigné par le soleil levant. Une vague de sentiments lui serraient le cœur : elle ne rêvait pas, elle était bien à Toronto et la neige recouvrait d’un manteau cotonneux toute la végétation aux alentours. Elle prenait une grande inspiration en fermant les yeux, son rêve se réalisait enfin.

Sortant de ses pensées, elle restait dans un état entre l’émerveillement et le déchirement d’avoir quitté sa famille mais, maintenant elle devait aller de l’avant. Vivre chaque jour avec passion. Saara ne tardait pas à aller se préparer, s’habiller avec un gros pull col roulé pour affronter le froid matinal, visiter les alentours et surtout voir son cheval qu’elle n’avait pas vu depuis son départ de Finlande : Ouzo.

Saara s’apprêtait à sortir de sa chambre, mais avant, elle voulait donner des nouvelles à ses proches Finlandais. Fouillant de ses poches à la recherche de son téléphone, elle se rappelait soudainement qu’il n’avait pas bougé depuis la veille au soir et qu’il était donc toujours dans son sac à main. La jeune femme n’était pas du genre tête en l’air en général mais plutôt rêveuse, lui jouant parfois des tours avec sa mémoire. En prenant son téléphone, elle écrivait rapidement un message à ses parents puis se dirigeait vers les écuries. Tout était nouveau ici et tellement grand, il allait lui falloir un temps d’adaptation pour ne pas se perdre dans les couloirs, allées et autres bâtiments. Heureusement, les indications la menaient rapidement aux écuries de propriétaires.

En entrant de ce bâtiment, la chaleur dégagée par les chevaux remontait de quelques degrés la température qui lui avait fait rougir les joues et le nez. Trouver Ouzo n’était pas simple. Une peur montait en elle en pensant à toutes les émotions qu’il avait dû traverser seul pendant le voyage et dans quel état elle le trouverait. C’était un cheval sensible aux changements d’environnement qui se trahissait souvent par un fort état de stress, de la nervosité et un refus d’alimentation. Saara espérait que le personnel de l’écurie, n’avait pas retrouvé l’étalon dans un état léthargique. Elle n’avait reçu aucune alerte ni appel sur son téléphone de la part de l’écurie, tout s’était donc bien passé. La jeune propriétaire soucieuse se répétait en boucle ces mots en regardant un à un les boxs, espérant y trouver la robe champagne si caractéristique de son étalon.

Après quelques minutes à déambuler dans les allées de l’écurie, saluant les deux cavaliers qu’elle croisa d’un léger sourire amical, elle vit enfin au loin Ouzo. Saara s’approchait sans mouvement brusque jusqu’à la porte du box, où était inscrit sur une plaque d’une magnifique écriture : « Ouzo des Dieux ». Cela changeait de l’écriteau bancale, écrit à la craie sur un vieux morceau de bois dans la propriété de Nancy et son mari. Un instant de nostalgie la replongeait dans les plaines finlandaises, en balade sur le dos de son étalon, entre les forêts et les lacs gelés à perte de vue. Elle n’oublierait jamais le vent glacé qui s’insinuait dans ses poumons l’empêchant de respirer correctement, le bruit des sabots dans la neige fraiche et les lièvres rentrant à toute vitesse dans leur terrier lorsque nous arrivions un trop près de leur maison. Des souvenirs magnifiques, qui faisait monter les larmes au coin des yeux de la jeune femme. Mais maintenant, un magnifique futur les attendait ici, ils ne pouvaient pas rêver mieux pour s’améliorer. Cette pensée ravivait l’humeur de la jeune femme qui entrait dans le box de son étalon. Il avait l’air heureux de la voir puisqu’à peine franchie l’entrée, il allait à sa rencontre, la regardant avec ses yeux bleus lagon si expressif. Tout passait par le regard avec lui. Ouzo poussait un léger hennissement contre la main de sa propriétaire lorsque cette dernière lui présentait. Le souffle chaud sortant du naseau de l’étalon sur la main frêle de Saara, lui ramenait un peu de chaleur. Quelle idée avait-elle eu de ne mettre qu’un gros pull ? Elle espérait juste de ne pas tomber malade le jour suivant.

L’étalon n’avait pas l’air d’avoir souffert du voyage, ce qui était très rassurant car sa jeune propriétaire n’avait pas été tranquille depuis qu’elle était montée dans l’avion. Cependant, il semblait nerveux et montrait des signes d’inquiétudes causés par les nouveaux bruits l’entourant : un cheval qui tapait soudainement son sabot contre le sol, des cavaliers rigolant dans l’allée, le vent soufflant sur le toit de l’écurie. Des sources de stress, qui pouvaient influer sur l’attitude du beau mâle, d’autant plus après un long séjour entre la Finlande et Toronto. Pour être sûr que l’étalon ne se soit pas blessé, Saara fit un ckeck-up minutieux du corps d’Ouzo pour desseller la moindre blessure qu’il aurait pu se faire durant le trajet, en insistant bien sur les membres et les zones où la peau était la plus fine. Rien à signaler mais certaines régions comme le garrot et les épaules semblaient plus tendus qu’à son habitude. Peut-être qu’un massage ou une visite chez un ostéopathe serait de bon augure pour détendre et faire un diagnostic complet à son fidèle compagnon.

Voulant le rassurer, Saara prenait plusieurs minutes pour caresser l’encolure d’Ouzo en observant ses réactions. Bientôt ses yeux qui se fermaient à mi-clos, poussant un long soupir de décontraction. Il avait confiance en elle. Ce n’était pas simple durant les premiers mois mais, peu à peu, il avait compris qu’elle ne lui voulait aucun mal. Qu’elle était là pour lui. Elle le sentait complètement détendu, voire même un peu trop détendu, vu le poids qu’il pesait à présent sur l’épaule de la jeune femme. Un rire discret sortait des lèvres de Saara en pensant à son étalon qui était désormais plus décontracté que jamais. Il manquerait plus qu’il se couche sur elle pendant qu’il y était ! Profitant de ce moment d’accalmie, elle décidait qu’il serait bien de faire une activité plutôt calme : un pansage. C’était une chose que Saara adorait faire et aimait passer du temps à faire car elle pouvait échanger avec son étalon sans mots, juste par des gestes, des mouvements et de l’attention. Elle n’avait pas besoin de monter à cheval pour partager des bons moments avec lui et ce qu’elle aimait dans leur relation. Pas d’artifices pour ressentir ce que l’autre ressentait, pour sentir cette connexion entre la cavalière et son équidé. Mais ils étaient encore jeunes dans leur relation et pudique à dévoiler la totalité de leurs émotions.

Attrapant sa boite de pansage en dehors du box, Ouzo semblait métamorphosé en présence de sa jeune propriétaire et même un peu trop curieux, en sortant les épaules de son box.

« Tu vas où toi comme ça ? »

Elle riait une nouvelle fois en regardant vers la droite puis la gauche, histoire de voir si personne n’avait vu cette situation, quelque peu amusante. Éviter de se faire remarquer dès le premier jour était une bonne chose. Saara appuyait doucement sur les épaules musclées de son étalon pour le faire reculer et rentrer dans son box. Ouzo pouvait se montrer joueur, farceur en prenant les brosses de la jeune cavalière entre ses lèvres pour les dissimuler dans son box. Un jour, peut-être retrouvera-t-elle un amas de brosses et autres objets cachés sous de la paille fraiche ? Plus rien ne l’étonnait avec son cheval. Après avoir entreprit une bonne séance de pansage, retirant chaque poussière posées sur la robe champagne de l’équidé, Saara allait chercher dans sa boite de pansage quelques friandises bien mérités. Monsieur était quelqu’un de difficile pour ce qui touchait au nourrissage et aux goûts. En arrivant à Full Horse, elle avait même été jusqu’à notifier le type d’alimentation pour Ouzo car sa propriétaire savait pertinemment qu’il ne mangerait pas s’il n’avait pas la même nourriture qu’en Finlande. Diva ? Non à peine. Capricieux, oui certainement. Mais on fait tout pour rendre nos animaux heureux, non ? La jeune femme lui présentait sa main à plat avec une friandise à la pomme, il huma tout d’abord avec méfiance puis goba littéralement la gourmandise, faisant sourire Saara qui levait les yeux au ciel à la réaction de son cheval. Au moins, il n’avait pas l’air d’avoir perdu l’appétit. Au contraire.

Étant rassuré quant aux comportements de son étalon qui ne montrait plus aucun comportements d’alertes et de la qualité de vie qu’il allait maintenant avoir aux écuries, elle se décidait à le laisser tranquille pour qu’il se repose. Un dernier câlin, les bras de la jeune femme entouraient l’encolure d’Ouzo avec la tête posée sur les épaules soyeuses de son étalon, elle se faisait la promesse de faire du mieux qu’elle pouvait pour que tout se passe bien dans cette nouvelle aventure.

« Au revoir mon beau, je te retrouve demain. Ne t’en fais pas. »

Une dernière caresse sur le naseau d’Ouzo et elle refermait le box derrière elle, avant de marcher dans l’allée centrale de l’écurie de propriétaire. Jetant un dernier regard à son cheval, Saara sourit, radieuse et sereine pour leur avenir avant de quitter l’écurie.