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Histoire

À six ans, j'ai dû voir un psy, j'ai dû voir un psy
À seize ans, j'ai dû voir un psy
Mauvaise graine alors je mords le métal
J'ai pas besoin de leurs merdes ornementales
J'ai connu la galère et je n'en redemande pas
Je sais que devenir quelqu'un demande énormément d'taf
Mauvaise graine, j'ai pas la tête de l'emploi
La mort vient scred', mais la mort ne ment pas



Mon thérapeute m’a dit que je devais mettre tous mes ressentis dans ce petit carnet à la con. Et je ne sais toujours pas si je dois dire « cher journal » au début, comme les petites filles et leurs petits journaux secrets… Je ne les méprise pas, je pense que ce sont elles qui ont raison… Elles ont raison les gamines de poser sur une feuille tous leurs ressentis. Au-moins, c’est acté. Et elles peuvent partir sur de nouvelles bases. Elles peuvent parler de leur frustration, leur envie, leur crainte et leur questionnement pour s’en débarrasser, pour ne pas être rongées de l’intérieur…
Elles ont raison ; et pas moi.
Mais j’ai jamais été doué pour quoique ce soit, jamais été doué pour parler : parler sentiments, parler émotions, parler de ci et de ça. Moi j’étais bon pour être silencieux, pour être le bon public, rire aux conneries de mes potes, les faire avec eux aussi… J’étais bon pour vivre silencieusement. J’ai jamais aimé m’exprimer, c’était souvent pour les faibles dans le tier-quar. Fallait pas que le petit blanc du coin puisse dire quoique ce soit, ça se retournerait contre lui. Et comme on me le disait : j’avais aucune raison de me plaindre.

Ils avaient raison. 
Aucune raison de me plaindre. Ce n’est pas de ma faute si mes deux parents étaient deux bons cas sociaux, et que nous avions du les suivre, ma soeur, mon frère et moi. Pas ma faute aussi s’ils n’étaient jamais là, s’ils préféraient parfois la télévision à nous. Pas ma faute, non plus, si j’avais la chance d’avoir une tante riche. Si je pouvais trainer vers Cimiez, le quartier huppé de Nice. Pas ma faute si j’pouvais parfois payer mes clopes ou ma dope sans problème. Et j’étais débrouillard aussi, j’avais de la chance : j’étais pas trop con. J’étais l’intello de la bande, j’ai toujours frôlé les. 13 de moyenne, mais j’ai abandonné au lycée.

Moi j’ai bossé directement. Je devais me barrer de chez moi, me barrer de ce quartier, de cet appart’ de merde. J’ai directement demandé à ma tante si j’pouvais être son groom, si j’pouvais ramasser la merde des chevaux au Centre Hippique de Nice. Et on m’a accepté. J’ai été le larbin pendant des années et finalement, j ‘ai eu droit à ma chance.

J’ai beaucoup de chance.

J’ai pu monter, passer mes galops et même entrainer des gosses… J’ai pu concourir et avoir un cheval entre mes mains car on avait suffisamment confiance en moi.
J’ai beaucoup de chance.

Mais j’ai tendance à tout gâcher.

J’ai tout gâché en ne sachant pas m’extirper de mes habitudes, en ne réussissant pas à sortir de ces relations toxiques. Mes potes avaient le shit dans la chaussette, l’affreuse habitude de chercher du client, de fumer à des heures discutables. Et je les suivais dès que je pouvais. Et j’ai très vite continué, et j’ai rapidement fait pire… Quand c’était pas le Cannabis, c’était la MDMA ou autre chose. Et quand ça n’a plus été suffisant, j’ai fait pire : j’ai fait copain-copain avec l’affreuse Heroine. Elle était devenue la plus fidèle des compagnes… Elle était nocive, mais je voulais pas la quitter.

J’ai tout gâché.
Et j’ai eu beaucoup de chance…

Beaucoup de chance qu'on me retrouve, qu'on m'aime suffisamment pour m'envoyer en Centre, pour me dire que si je recommence, je risque d'y rester... J'ai combattu l'addiction pendant prés de deux ans, j'ai recommencé l'équitation, mais je sais qu'elle est là et qu'elle rôde. La tentation est trop g grande et elle m'appelle de jour en jour.
Alors on m'a parlé d'une Académie.
Et on a décidé de me sauver grâce à elle.

Et j'espère ne pas tout gâcher, cette fois.