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Histoire

On dit souvent que le chagrin d'amour est une forme de deuil. Qu'il faut le prendre comme tel et le surmonter comme tel. Mais que se passe-t-il quand le chagrin d'amour est couplé à un véritable deuil ? Que l'on perd d'un coup l'homme et l'amour qu'il représente ? Est-ce que l'on peut parler de double deuil ? Est-ce que la guérison est plus longue ? Ou est-ce que l'épreuve est tellement difficile à passer qu'elle nous change à jamais ... ?

Keira est née dans une bonne famille suisse, genevoise. Sa mère, auteure de romans avec plus ou moins de succès, est d'origine anglaise. Une londonienne pure et dure. Son père en revanche est un homme d'affaire suisse, travaillant dans les produits de luxe. Il a un métier peu commun, qui l’amène à voyager souvent : il est accompagnateur de pièces rares. Pour apporter un petit peu plus d'éclairage : il travaille pour une grande maison de joaillerie et accompagne à travers le monde les bijoux et pièces uniques pour expositions temporaires, prêt à des célébrités des tapis rouges et autre. Ces voyages fréquents ont permit à la mère de Keira, Joanne, d'avoir beaucoup de temps pour écrire. Et le salaire qu'il ramenait, plus que confortable, d'avoir beaucoup de temps pour elle, malgré une fille en bas âge. Chaque été, durant les vacances scolaires, la mère et la fille partaient pour une retraite campagnarde dans le sud de l'Angleterre. La famille y avait une résidence secondaire et ce n'était qu'à une heure de route des parents de Joanne. Elle pouvait y emmener Keira et la laisser en vacances chez ses grands parents. Ce qui arrivait plus souvent qu'on ne pourrait le penser.

Malgré le fait qu'elle soit fille unique et issue d'une famille sans difficultés financières, Keira grandit en étant une enfant assez réservée et timide. Elle ne demandait pas grand chose et se perdait souvent dans ses rêveries. Ses amis proches se sont toujours compté sur les doigts d'une main mais cela n'a pas sembler lui poser plus de problèmes que cela, au contraire. Elle a toujours su garder un équilibre. Plus ou moins en tout cas. C'était une bonne élève mais pas la meilleure et on l'entendait peu. Elle vivait sa petite vie tranquille et ne faisait pas de vagues.

Avant de faire de l'équitation, elle a fait de la gymnastique. Sa mère tenait à ce qu'elle ait une activité extra-scolaire et la petite Keira eut le choix entre la danse et la gym. Le choix fut fait, mais le drame arriva bien vite aussi. A à peine 5 ans, la chute arriva, lui brisant le coude et ruinant tous les espoirs de sa mère d'en faire une gymnaste. Trois mois de bras dans le plâtre, une cicatrice à vie à l'intérieur du coude droit et une perte de souplesse dans ledit bras irréversible. Keira était un peu trop jeune pour comprendre, mais elle dût bien s'y contraindre : elle ne ferait plus de gym. Durant quelques années ensuite, elle ne fit plus rien d'extra scolaire. Il fallait croire que sa mère avait été un peu refroidie par l'expérience, mais elle revint tout de même à la charge un peu plus tard. 7 ans pour la petite Keira. Et cette fois, la proposition fut : le théâtre. Dans sa douceur d'âme, Keira ne dit trop rien et accepta de faire parti d'une troupe. Mais la timidité maladive de la jeune fille, bien qu'un peu soignée par cette année sur les planches, ne convenait pas vraiment à la troupe. Après une grosse année seulement d'expérience, l'activité cessa.

Mais l'idée de la suivante vint cette fois de Keira elle-même. Quelque chose la fascinait et la passionnait. Dès qu'elle le pouvait, elle regardait les courses de chevaux à la télévision. Ce qui intrigua sa mère. Mais la réponse de la petite fille surprit tellement Joanne qu'elle décida d'agir dès le lendemain : la petite regardait les courses seulement pour y voir des chevaux. Décision fut prise de lui trouver un centre équestre et de l'y inscrire. Ce genre d'écurie ne manquait pas vraiment et après achat du matériel de base, Keira commença les cours d'équitation. Les débuts furent parfois rude : les poneys n'étaient pas spécialement tendre. Mais malgré les déceptions, les chutes et les difficultés, Keira n'abandonna pas pour autant et poursuivit, année après année. La compétition ne l'intéressait pas plus que cela, ce qui arrangeait un peu sa mère : le prix des engagements ne la dérangeait pas mais en revanche, devoir se lever tôt le dimanche matin et passer une demi journée voir une journée en concours, si. L'achat d'un équidé lui fut refusé en revanche, bien que Keira n'ait jamais vraiment rien demander avant cela. "Tu auras un cheval quand tu pourras l'entretenir toi-même" avait asséner son paternel un soir. Il n'y avait plus rien à ajouter.

L'adolescence de la jeune femme se passa sans heurt. Elle restait égale à elle-même et d'ailleurs plus elle grandissait et plus elle était seule à la maison. Sa mère passait de plus en plus de temps dans la maison de campagne anglaise et son père était toujours et encore en déplacement : cela n'avait pas changé avec les années, cela avait même empiré. Une gouvernante gérait l'appartement à Genève et tenait également compagnie à Keira. Heureusement elle était plutôt calme et posée et elle ne fit rien de ce que n'importe quel adolescent aurait pu faire avec un grand appartement vide à disposition. Pas de soirée endiablées, et de choses du genre. Rien qu'une routine assez bien établie.

Vint le moment d'entrer à la fac. N'ayant pas d'idée bien nette de ce qu'elle souhaitait faire, la jeune femme s'inscrivit par défaut dans une fac de droit afin d'y suivre un cursus de droit international. Elle continuait l'équitation en parallèle et elle se mit à un nouveau sport par pure curiosité : l'escalade. Ayant le vertige, elle considéra que c'était une bonne thérapie que de grimpé volontairement pour ensuite redescendre dans le vide. Et ce fut le cas. Mais l'escalade n'est pas un sport qui se pratique seul. Et dès le premier cours, elle fut mise en paire avec un grimpeur un peu plus expérimenté qu'elle : Lucas. Si Keira trouva sa première séance catastrophique, Lucas lui prouva le contraire. Il était d'une douceur et d'une gentillesse sans pareille et ce ne fut pas très étonnant finalement, qu'elle tomba sous son charme. Elle n'avait eu que peu de petits copains durant ses années de lycée et c'était bien la première fois qu'elle ressentait quelque chose d'aussi intense pour quelqu'un. Le charme opérant, presque comme dans un conte de fée, il s'avéra que le jeune homme -d'un an son aîné- ressentait la même chose pour elle.

Leur histoire d'amour commença en douceur pour s'installer dans le temps, comme si elle avait toujours été là, comme si c'était la chose la plus naturelle au monde. Tout était facile entre eux et les choses se passaient à merveille. L'année entière s'écoula ainsi sans aucun accroc dans leur histoire. Ils étaient toujours sur la même longueur d'onde. Mais la première "épreuve" arriva. Lucas était étudiant en Sciences Politiques et il avait un stage à l'étranger à faire d'un mois. Il trouva un créneaux pour le mois de septembre à l'ambassade suisse des États-Unis. Un stage en or pour lui qui voulait devenir ambassadeur. Les au revoir se firent bien entendu. Keira aurait adoré l'accompagné mais sa seconde année de fac commençait et elle ne voulait pas rater le début des cours. Contre toute attente -surtout celle des autres- les deux premières semaines se passèrent merveilleusement bien. L'éloignement leur pesait un peu à chacun, certes, mais les sentiments qu'ils avaient l'un pour l'autre ne faiblissaient pas. Et chacun occupé comme ils l'étaient, les jours filaient plutôt vite.

Mais le drame les percuta de plein fouet. Sous la forme d'un chauffard ivre qui faucha Lucas en début d'une belle soirée d'automne. S'il ne mourut pas sur le coup, ses chances de survies étaient nulles. Et après une quinzaine de jours maintenu dans un coma artificiel, ses parents prirent la décision de le faire débrancher. Il fut rapatrié à Genève où eut lieu l'enterrement. Keira s'enferma quelques temps dans le mutisme, mais après deux semaines à rester enfermée chez elle, elle trouva quelques ressources pour reprendre sa routine habituelle, à quelques exceptions près. Elle stoppa l'escalade, et stoppa également l'équitation, pour quelques temps. Après ce drame, la vie lui parut bien terne, et parfois, elle se demandait pourquoi elle continuait. Ses parents ne lui furent d'aucun soutien. A vrai dire, ils étaient toujours loin et elle ne leur avait rien dit du drame qui avait secoué sa vie.

Il lui fallu deux années supplémentaires pour se sentir petit à petit revivre un peu. Elle s'était farouchement refusé à aller consulter un thérapeute, et qui que se soit d'autre d'ailleurs. Elle avait eu sa licence mais elle ne savait pas quoi en faire et elle prit la décision de changer de branche en se plongeant dans une licence de biologie, dans l'idée de se spécialisé plus tard dans l'éthologie animale et peut-être en faire son métier, malgré la désapprobation parentale. Même s'ils désapprouvaient, ils la suivaient tout de même dans son idée, peut-être pour se déculpabiliser de toujours être loin du domicile familial. C'est aussi à ce moment là que la jeune femme revint à ses premiers amours et reprit l'équitation.

Jusqu'au jour où elle croisa la route d'une académie nomade...